Par Dr Hocine Toulait, 15 février 2021
Si la mort est la continuité de la vie, alors gardons en vie les rites de nos ancêtres Kabyles.
À chaque fois qu’il y a un décès dans la communauté kabyle de la diaspora, les mêmes questions reviennent; quels rites adopter et comment ne pas laisser les rites venant de l’Orient prendre toute la place.
Si vous faites partie de la communauté des Kabyles Canada, vous comprendrez aisément pourquoi je repose cette question à ce moment-ci. La mort tragique de Meriem nous a rappelé combien notre communauté doit rester solidaire et continuer son chemin dans la continuité des valeurs que nous avons héritées de nos ancêtres et qui ont l’avantage de transmettre une philosophie de vie emprunte de tolérance et l’ouverture à l’autre.
Nous sommes la première génération de Kabyles en Amérique du Nord et, à ce titre, nous avons la responsabilité des choix que les futures générations de Kabyles continueront. Les choix des rites que nous ferions aujourd’hui éclaireront les futures générations de Kabyles de la diaspora. Il leur éviteront également de se poser des questions, oh combien douloureuses, sur la meilleure manière de rendre le dernier hommage à ceux que l’on perd pour toujours.
Chaque civilisation a ses rites et ses croyances, la nôtre aussi!
Heureusement pour nous, quelles que soient nos croyances, les rites kabyles s’accommodent d’une grande ouverture et présentent la mort comme une continuité de la vie.
« La représentation traditionnelle de la mort chez les Kabyles, fidèles aux cultes anciens, se révèle étrangère à celle des religions révélées et se distingue de l’islam.
Dans les croyances populaires, il n’existe pas de séparation stricte et étanche entre le monde des vivants et le monde des morts. Ce dernier communique en permanence avec les vivants dans le domaine de l’invisible.« Il n’y a pas de culte des morts à proprement parler. Le plan humain se prolonge dans l’Invisible par ses morts, continuant l’étroite solidarité de la famille méditerranéenne. »
Les pratiques funéraires qui accompagnent un mort dans sa nouvelle demeure sous la terre, mettent en évidence que, dans la pensée vernaculaire, la mort n’est jamais définitive.
Le voyage cosmique de l’être humain au fil de son existence terrestre se retrouve dans celui de sa vie dans l’au-delà. C’est ainsi que le passage sous la terre suit le même rituel, que nous avons observé, dans les différents seuils qui conduisent par étapes à la véritable naissance de l’âme dans le corps vivant d’un nouveau-né. La dépouille mortelle doit également disparaître au plus tard avant le troisième jour suivant le décès. À cette période, l’âme errante se tient sur le seuil de la porte pour revenir le quarantième jour. La veillée funéraire devait en conséquence se renouveler à cette dernière date. Les visites obligatoires rendues au cimetière doivent correspondre à ces dates du troisième et du quarantième jour après le décès. Elles se renouvellent tous les ans à l’occasion des “fêtes religieuses” et en particulier à celle de la petite Aïd. » Dans Signes et rituels magiques des femmes kabyles (2011).
Si la mort est la continuité de la vie, alors redonnons la vie aux rites de nos ancêtres.
À la mémoire de Meriem, l’innocence assassinée
Par Dr Hocine Toulait
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