FERHAT, YEMMA-S D TAQVAYLIT

Ferhat Mehheni, Yemma-s d taqvaylit

Je n’ai pas eu l’honneur de rencontrer ou de connaitre la mère de notre frère Ferhat Mehenni. J’ai, par contre, compris sa valeur et sa grandeur à travers les combats de son fils. Depuis son jeune âge, il a tout sacrifié pour des idéaux de liberté et de justice. Il a lutté pour une Algérie libre et égalitaire, pour une Algérie amazighe qui doit respecter ses diversités, une société ouverte rivée sur la modernité tout en gardant jalousement ses spécificités, une citoyenneté effective pour les hommes et pour les femmes.

Son père avait donné son sang pour cette terre algérienne. Sa mère a donné sa jeunesse, sa vie de femme et d’individu pour élever ses enfants. Ferhat a conjugué les sacrifices de son père et le dévouement de sa mère pour forger sa personnalité et pour revendiquer ses droits et les droits des siens. L’Algérie dictatoriale a censuré sa voix, l’a emprisonné. Ce pouvoir illégitime continue à le dénigrer, le diaboliser et le rabaisser auprès des autres Algériens et Algériennes depuis des années. La voix de Ferhat ne peut pas s’éteindre, car il lutte pour sa langue, son peuple et sa civilisation. Sa voix ne peut pas mourir, car elle est entendue dans les quatre coins du monde.

Les Kabyles sont chez eux, ce ne sont pas des touristes. Ils veulent vivre dignement dans leur langue et avec leur langue. Le cri de Ferhat est légitime quand on connait les desseins du pouvoir assimilationniste algérien. Depuis 1962, il travaille pour éradiquer le fait amazigh dans un territoire amazigh. Et la Kabylie lui a tenu et continue à lui tenir tête. On lui reproche de porter atteinte à l’unité nationale, mais on ne dit rien sur ceux qui ont bazardé le pays et qui ont porté atteinte à l’identité et à la mémoire de ce pays et de ce peuple. Tout ce parcours de Ferhat a été vécu fièrement et douloureusement par sa chère mère.

Je suis profondément attristée par le fait qu’il n’ait pas été à ses côtés lors de son dernier souffle. Tous ces drames sont causés par une mafia qui a remplacé un colon sans cœur qui a presque achevé le tissu social de tout un pays. Courage cher Ferhat. Ta mère est fière de toi et croit sans aucun doute à tous tes combats. Des combats qui m’ont ouvert les yeux depuis longtemps sur l’urgence de lutter jours et nuits pour contrer nos détracteurs.

Que ta mère repose en paix et que sa famille ait le courage de traverser ces moments et ces épreuves du cycle de la vie.

Mes condoléances à toute la famille Mehenni.

Djamila Addar