La solitude du buveur kabyle musulman !
Par Rachid Oulbsir, 16 septembre 2022
Le buveur de bière qui jette ses bouteilles vides sur la route est un être coincé dans ses contradictions.
Il n a pas le courage de boire dans un bar de peur d y être vu et dénoncé au village ! Et la réputation ! Il n a que ça,! Pas de signes apparents de richesse, pas de maîtresse pour rajeunir, mais il a une réputation à sauver, des apparences à entretenir !
Il n’a pas le courage de boire chez lui à table, la famille est de confession musulmane comme dans tous les villages kabyles et dans cette religion l’alcool est pêché, s’adonner à la boisson en présence des membres de la famille est parmi les plus grandes entorses à la morale Musulmane.
Alors, il lui reste l’espace public , l’accotement d’une route sinueuse loin des habitations, une petite piste forestière, un grand olivier ombrageux…
Il ne peut pas boire tout seul ! Il a peur de la solitude de l’ivresse et de l’ivresse dans la solitude. Boire seul est le stade suprême de la déchéance , il y a que les SDF, le clochards qui cuvent leur piquette seuls sous le regard indulgent du Bon Dieu. Il ne peut boire seul, car il boit pour parler ! Il a besoin de compagnie ! Des solitaires comme lui ,y en a des foules ! On vide sa mémoire en vidant ses cannettes, on vide son cœur lacéré en sortant les bouteilles vert jade d’un sac poubelle, on vide ses rêves en déversant son vomis au pied de l’olivier… On se raconte, en vidant le récit des ratés d’une vie en pointillés en avalant encore et encore la gorgée amère, ne pouvant retenir la larme facile et le juron pluriel. On s’oublie dans la durée liquoreuse, dans la poésie chimérique de la voûte céleste ! On en appelle aux fantômes d’illustres buveurs, enterrés dans nos étoiles.
Ah Khayyam ! Reviens Omar, ils sont devenus fous ! Ah Si Mohand ou Mhand avec sa pipe bourrée d’absinthe ! Il se fait tard, reviens Si Mohand, donne moi la main, je suis à la lisière de la folie . »
il faut rentrer , il se fait tard ! Il faut éviter d’être vu ! Les bouteilles vides, il n y pense pas, ce n’est plus l’heure, elles resteront là pour dire qu’il y a des êtres dans cette société qui sont mal en point, des êtres déchirés ,sans issue. Des êtres que la société transforment en lâches, en hypocrites, en faux citoyens. Un jour il reviendra nettoyer la place, c est promis..oui c est juré, mais là il se fait tard…il doit rentrer, il ne faut surtout pas oublier le chemin et le chewing-gum pour l’haleine…
Ouï il faut sauver les apparences …
Par Rachid Oulbsir