Takfarinas, un monstre de la scène

Takfarinas : un monstre de la scène par excellence

Takfarinas : un monstre de la scène par excellence
Par Djamila Addar
Takfarinas est à Montréal pour le grand bonheur de ses fans et de cette ville qui abrite le monde. Invité par LaScene Kabyle de Montreal, Takfarinas donnera un spectacle ce 1er octobre à l’Aréna du Collège Marie Victorin à 20h. Sur les réseaux sociaux, certains ne se gênent pas à lui tomber dessus à n’importe quelle sortie qu’il entreprend. La culture du harcèlement virtuel ne cesse de prendre de l’ampleur et risque de faire perdre son essence à la technologie.
‘’Les réseaux sociaux ont donné le droit à la parole à des légions d’imbéciles qui avant ne parlaient qu’au bar et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite. Aujourd’hui, ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel.’’ Ces propos d’Umberto Eco tombent à point avec cette déferlantes d’insultes et de dénigrements qui ne cessent de s’acharner sur certains artistes kabyles. Parmi ces derniers, Takfarinas, le père de Yal musique. Ses détracteurs, soit, ils ne connaissent pas son parcours, soit, ils ont une mémoire courte.
La chanson kabyle est rehaussée grâce à plusieurs artistes extraordinaires. Et chaque artiste a son style. Certains sont très connus. D’autres, ils sont moins connus ou pas du tout. Ce qui compte, c’est que tous ces génies ont contribué dans la lutte identitaire et la valorisation de la langue kabyle et amazighe pendant que certains n’osaient même pas respirer en kabyle dans les rues d’Alger notamment.
Cette Alger, investie et infestée par les charlatans depuis la fin des années 1990, a connu des moments festifs, gais et authentiques grâce à la musique algérienne, chaabi et kabyle en particulier. Les Algérois de la basse Casbah par exemple n’avaient pas besoin d’allumer leur radio ou leur lecteur cassette pour écouter les chants du pays. Ces derniers faisaient vibrer tous les quartiers de la rue de la Lyre, de Djemaa Lihoud ou de la Place des martyrs. Et le tube phare de Takfarinas passait et repassait toute la journée. C’était l’époque de tous les espoirs et de l’ouverture sur nous-mêmes et sur le monde.

Malheureusement, l’arrivée des islamistes et les desseins diaboliques d’un pouvoir raciste et répressif ont pris le dessus sur les rêves du peuple et les projets des artistes, des politiciens sincères et des amoureux du pays. La chasse aux sorcières a commencé par le haut pour atterrir à la base. Celle-ci a rapidement remplacé la vie par la mort, la musique par des prêches à tout bout de champ, les costumes locaux par les hidjabs et les qamis, la liberté par la soumission, les valeurs ancestrales par les légendes des temps révolus. Quant au pouvoir et ses relais français, ils ont choisi de promouvoir Chab Khaled et non pas Takfarinas, car celui-ci incarnait et continue à incarner tout ce qui dérangeait et dérange encore un système arabo-islamiste déterminé à éradiquer le fait amazigh de l’Algérie. Takfarinas respirait fièrement la kabylité, Tamazgha, la langue et l’identité kabyle et amazighe. Aussi, il fait partie des rares artistes qui livrent des spectacles professionnels et décapants sur scène. Vers la fin des années 1990, ses prestations à l’Olympia de Paris ou à la Place des Arts de Montréal lors du festival des Francofolies ont cloué le bec à ses détracteurs ou aux donneurs de leçons.
Bref, Takfarinas est un immense artiste. Il mérite tous les honneurs et tous les hommages. Bon spectacle Tak!
D. Addar